Bonjour les gens.
Vous regardez un tableau qui depuis hier n'existe plus.
Du coup, je vais vous raconter un peu l'histoire de ce portrait et de son peintre.
On va appeler ce mini-thread "Collisions avec l'ennemi".
Philip de László était le fils ainé d’un tailleur juif de Budapest. Il était ce qu'on appelle aujourd'hui un émigré, un transfuge de classe, et grimpa dans la société en perfectionnant son art à Paris, en Hongrie, en Autriche, en Allemagne.
Au début de la guerre de 1914, pour remercier les Anglais de lui accorder l’asile et la nationalité britannique, il peint d'ailleurs un très beau portrait de Lord Arthur Balfour, secrétaire d’État aux Affaires étrangères. (C'est le portrait qui existait hier encore.)
Dire qu'un peintre peint, c'est un peu ridicule ; mais Philip de László était absolument passionné par son art - par l'art de peindre l'âme des gens juste en peignant l'extérieur des gens. Il légua ainsi plus de 2700 oeuvres à la postérité.
Accusation de collision avec l'ennemi n°1 : en 1917, les autorités britanniques l'accusent de dialoguer avec l'ennemi, et il passe un an en prison. Tout ça pour quelques lettres pleines d'amour envoyées à sa sœur et à sa mère restées en Hongrie... László est réhabilité en 1919.
Accusation de collision avec l'ennemi n°2 : en mars 2024, une militante du groupe Palestine Action lacère le fameux portrait du ministre Lord Arthur Balfour, dans l'université de Cambridge. Elle s'attaque au tableau de László car elle déteste le sujet du tableau de László...
Elle déteste le sujet du tableau de László car il y a 107 ans, le 2 nov. 1917, Lord Balfour avait envoyé une courte lettre (67 mots) à Lionel Walter Rothschild (2e Baron Rothschild) - lettre considérée comme une des premières étapes dans la création de l'État d'Israël.
Cette fameuse lettre en français (la fin va vous étonner) :
« Cher L.R, j'ai le plaisir de vous transmettre, de la part du gouvernement de S.M, la déclaration suivante de sympathie avec les aspirations juives sionistes, qui a été soumise au cabinet et approuvée par lui.
"Le gouvernement de Sa Majesté envisage favorablement l'établissement en Palestine d'un foyer national pour le peuple juif et fera tout ce qui est en son pouvoir pour faciliter la réalisation de cet objectif, ...
étant clairement entendu que rien ne sera fait qui puisse porter atteinte soit aux droits civiques et religieux des collectivités non juives existant en Palestine, soit aux droits et au statut politique dont les Juifs disposent dans tout autre pays."
La jeune fille a donc sorti un cutter dans une salle de l'Université, a tagué et lacéré le tableau qui avait survécu à deux guerres mondiales, puis elle est ensuite reparti tranquillement chez elle.
« Aucune arrestation n’a eu lieu à ce stade », a déclaré la police britannique.
Pauvre László, qui croyait avoir trouvé refuge en Angleterre... Voici tout de même quelques-uns des plus beaux portraits de ce peintre juif - avis aux militants et à leurs cutters :